L'œuvre en prose

L’œuvre en prose de Max Rouquette s’est ouverte, en 1934, par la publication d’un récit autobiographique dont le cheminement empruntait celui de la Genèse biblique : Secret de l’herbe. Ce texte éblouissant de simplicité résonne comme la relation d’une initiation aux énigmes de l’univers : le narrateur y découvre le monde en compagnie des autres enfants du village, et y fait très tôt l’expérience de la solitude humaine face aux enchantements et aux cruautés de la vie. Secret de l’herbe, avec quelques autres textes majeurs (Plume qui vole ; Le Champ de Sauvaire ; La Mort de Costesoulane) donnait le ton d’une écriture qui allait nourrir, de longues années durant, la « saga panthéiste » (selon le mot de Philippe-Jean Catinchi) des volumes successifs de Vert Paradis (1961 et 1974).

Placée sous le signe de Baudelaire (« le vert paradis des amours enfantines ») et de Rilke (« Dans le monde des choses et dans celui des bêtes, tout est plein d’événements auxquels vous pouvez prendre part »), cette quête du monde perdu est tout le contraire d’une autobiographie classique : loin de Rousseau ou de Chateaubriand, Rouquette a rassemblé au fil des années les fragments épars d’une existence à la fois individuelle et collective que réunit une solidarité sans doute plus profonde et plus forte que celle tracée par la recension purement linéaire d’une vie. Le Grand Théâtre de Dieu (1986), L’Œil du chat (1987), Les Roseaux de Midas (1990), Le Corbeau rouge (2003) et jusqu’au Livre de Sarah sont les facettes innombrables d’une seule et même émotion, qui réunit l’enfance à l’âge d’homme et aux temps de la vieillesse.

Pour cette raison, sans doute, les textes d’apparence plus fictionnelle écrits par Rouquette dans les toutes dernières décennies de son long itinéraire d’écrivain (La Quête de Pendariès, 1996 ; Tout le sable de la mer, 1997) représentent aussi, à leur manière, d’autres fragments de cette écriture qui fait se confondre, sous le signe de la musique des mots et des récits, le moi du narrateur avec l’immensité universelle.

(Ph.Gardy)


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