Verd Paradí­s 1 et 2

 

Vert Paradis

Vert Paradis

Version française

Réunit les traductions françaises de Verd Paradís I (traduction de l'auteur) et de Verd Paradis II (traduction d'Alem Surre-Garcia).
Préface de Roland Pécout, postface de Henri Giordan

2012, éditions Actes Sud

Lire des extraits

Verd Paradís I

Réédité en occitan en novembre 2008 aux éditions du CRDP, avec une postface de Philippe Gardy. Voir la fiche sur le site de l'éditeur

Paru en 1961, le premier volume de Vert Paradis est le livre d’une vie déjà bien remplie : Max Rouquette a plus de cinquante ans, et les textes que contient ce recueil de proses narratives ou méditatives rendent compte de presque trente années d’écriture, commencées, dès 1934, avec la publication en revue de Secret de l’herbe, le récit autobiographique qui révéla Max Rouquette au public des lecteurs d’occitan et fit beaucoup pour sa réputation à venir.

Verd Paradis 1Autobiographique, ce recueil l’est indubitablement, mais seulement par moments : si des récits comme Secret de l’herbe et Plume qui vole, qui en constitue la suite, racontent l’enfance au village d’Argelliers (jamais nommé), d’autres disent le monde et sa vastitude, à travers l’évocation de quelques figures marquantes de ce même village ou de ses alentours immédiats ou plus lointains : Sauvaire, le vieil homme qui défend son champ, en vain, contre les assauts d’une nature hostile ; Costesoulane, le chasseur victime de son arme alors qu’il guettait les perdreaux dans la garrigue ; Jironi, le vieux chantre de l’église, dont la voix magique faisait le lien entre la terre et le ciel ; Albarède, le joueur de hautbois, infatigable animateur des fêtes du causse du Larzac, terrassé par le froid, la neige et les loups. Tous ces personnages font baigner ce premier Vert Paradis dans un climat qui est celui du mythe, de la narration initiatique. Et c’est sans doute un des charmes à la fois les plus naturels et les plus profonds du livre. La remontée paisible des souvenirs, la précision et la simplicité des détails vrais qui parsèment ces récits, y acquièrent aussitôt un degré de signification et d’envoûtement qui les fait appartenir à un monde supérieur : celui de l’humanité tout entière, confrontée aux grandes énigmes de la vie et de la mort, de l’amour et de la vie cosmique. Albarède, Sauvaire ou Costesoulane, de personnages de la vie quotidienne qu’ils sont au départ, y deviennent insensiblement des figures à la fois bien réelles, dans leur humilité, et pourtant immenses, de la condition humaine.

Cette métamorphose qui fait la force peu commune du Vert Paradis réuni en 1961 est favorisée par l’art de Max Rouquette : à la fois conteur, dans la grande tradition des récits merveilleux de l’oralité traditionnelle, et mélodiste des mots et des phrases, à l’égal d’un Mozart ou d’un Bach, deux musiciens qu’il admirait tout particulièrement, Rouquette sait mieux que personne camper un récit au rythme des émotions qui le traversent et, à certains moments, le submergent.

Verd Paradís II

Paru en 1974, le deuxième tome de Vert Paradis poursuit, avec des infléchissements, la veine du premier. Divisé en quatre parties, il évoque d’abord, sous le titre volontairement vague de « Mélanges », quelques silhouettes de personnages d’Argelliers, le village natal, qui ont particulier marqué Rouquette : ce sont tous et toutes (il s’agit essentiellement de femmes) des humbles, des personnes à la vie misérable, dont on devine sans peine ce que leur doit le narrateur : cette part d’humanité, qui seule vaut quelque chose en comparaison du néant qui constitue le sort commun de tous. Les « proses » qui suivent, plus narratives, explorent pas à pas la condition humaine : ses travers (Le dernier lièvre), ses misères morales (Le spectre de la pleine lune), ses errances vers à la mort (Cendre morte, récit de l’abandon d’une ferme éloignée du village, dans la montagne, par ses derniers habitants ; Le renard dans le bassin, évocation de la mort attendue par la bête prisonnière et livrée aux affres de la soif en plein cœur de l’été).

Verd Paradis 2Le thème qui réunit tous ces récits, et aussi les portraits de la première partie et les deux « songes capturés » de la troisième, est celui du paradis perdu, du jardin qu’on doit quitter, après y avoir été heureux, et dont les traces, aussi bien matérielles que spirituelles, s’effacent peu à peu. Et l’on pressent, au-delà de toutes ces fuites, de tous ces oublis accumulés, l’image d’un Jardin d’Eden (celui du Jardin de Dieu, mais aussi de L’orange) dont ni Dieu ni ses anges ne reconnaissent plus les traits, livré qu’il est à la froide absence de ce qu’on appelle l’éternité.

La quatrième section de ce paradis qui n’existe plus que sous la forme des regrets et des absences qu’il a pu susciter, est composée de trois fables satiriques et sarcastiques. Max Rouquette, à demi-mot, sur le mode du conte, y fait le portrait d’un peuple et d’un pays courbant l’échine sous le joug des puissants, et leur sacrifiant le peu de richesses, matérielles et plus encore morales, dont ils étaient encore dépositaire.

(Ph.Gardy)

 


Page suivante : Verd Paradí­s III et IV